8 mars. Je viens de laisser le petit au hiphop. La prof m’a encore réclamé les trimestres que j’ai pas payés. Je sais je traîne. J’ai pas voulu les payer à l’avance. Je ne peux pas de toutes façons. La salope, elle m’attendait dans la rue, les bras sur les hanches. Elle avait fait pression sur mon gosse qui me tannait depuis deux semaines pour que je vienne le chercher à la sortie du cours et que je fasse le chèque pour lui et sa sœur. Jusque-là je m’étais toujours démerdée pour envoyer une copine. Là, c’est lui qui est venu me chercher à la maison en courant. Maman ! Maman ! La dame elle t’attend devant la salle ! Faut que tu viennes payer. Viens ! J’ai enfilé mon blouson et j’ai couru. Quand je l’ai vue, de loin, au milieu de la rue, j’ai baissé les yeux. J’ai plongé ma main dans ma poche. J’ai senti le chéquier et le stylo et au même moment ma mâchoire et mes lombaires se crisper. Arrivée à son niveau je me suis servie de la paume de ma main gauche pour bâcler le chèque, le signer, lui ai tendu avec un regard vengeur. Elle est partie en me disant que elle, était pressée. Moi je dois finir ma valise. Je repars en Bulgarie. Pas définitivement non. Finaliser la vente de l’appart’ que j’avais acheté à Sofia avec l’ex. Il est vendu. Ses acquéreurs sont dedans. Et moi, j’ai pas le fric. La banque le bloque. Ça fait deux ans qu’ils me réclament x mille papiers. Ça fait autant de temps que j’y retourne régulièrement. Que je dois poser des congés. Que ma cheffe à l’hôpital me fait chier. A force ma petite chérie est retournée chez son père. Elle veut plus revenir à la maison. Je la vois si j’y vais. Elle dit que je la fais trop chier. Que je suis trop crispée. Pas cool. Trop sur les nerfs. Que je devrais me faire soigner. Qu’au moins chez son père, elle fait ce qu’elle veut. C’est sûr ! Il fait rien. Il a jamais rien fait. La preuve je me retrouve avec cette histoire de vente où ces putains de compatriotes de Bulgares me demandent de prouver que j’ai bien divorcé en France mais aussi en Bulgarie. Évidemment que j’ai fait les deux ! Mais ces connards et leur bureaucratie, ils ont perdu les papiers ! Alors mon connard d’ex’ il doit me réécrire une déclaration sur l’honneur comme quoi je suis plus sa femme ! J’hallucine ! Ça fait deux ans que ça dure. Je leur ai amené ce papier aux Bulgares… Maintenant ils me disent qu’il doit être validé par le district puis par la région avant de l’être par l’administration centrale. En attendant, moi je touche pas le fric. Que je devrais partager avec l’autre con. Bon, je me calme. Ça va s’arranger. Au boulot, ils vont arrêter de m’envoyer encore plus de vieux. Je sais pas où ils les trouvent. Y’en a chaque jour un peu plus. Et chaque jour y’a un peu moins de personnel. Moi après quatre ans, je suis toujours pas titularisée. Alors mes collègues, elles me font la gueule car j’ai pas signé l’appel à arrêt de travail. Ça non plus je peux pas. Je peux pas perdre mon travail. Ça va s’arranger. Les équipes vont mieux s’organiser. On va mieux s’entendre. Et puis ma petite, elle va revenir à la maison car avec le fric que je vais toucher de la vente de l’appart’ de Sofia, je vais changer de logement. Je vais m’acheter mon petit truc à moi. Je vais bien l’arranger. Et ça va lui plaire. Elle sera contente de me retrouver. On regardera la télé ensemble. Ce qu’elle veut. Je l’engueulerai pas si elle veut prendre la télécommande. Et je lui ferai des steaks hachés avec des frites. J’ai des grands projets. Peut-être même que je trouverai l’amour.
En attendant, aujourd’hui, journée internationale de la femme, comme ils disent à la télé, moi j’ai pas reçu de bouquet de fleurs. Au boulot, les mecs ont pas exceptionnellement été plus sympas avec moi, ils ont même pas fait des blagues potaches. J’ai fait mes douze heures. J’ai rangé mon chéquier pour être sûre de ne pas dépasser le budget. Ça m’a fait ni chaud ni froid.