Espagne, Tunisie : même combat ?

IMG_5963Un texte de loi de « protection de la vie de l’être conçu et des droits de la femme enceinte », adopté le 20 décembre 2013 par le gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy, prévoit de supprimer le droit à l’avortement. Il revient sur la loi votée en 2010 qui légalisait l’IVG jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée (22 pour raison médicale) en limitant l’interruption de grossesse aux seuls cas de viol, et d’incapacité physique ou mentale de la mère.

Les pro-lifes sont donc de retour, ici et ailleurs. Le corps des femmes doit servir à la re-production et ses promoteurs le revendiquent de bonne foi au point de s’auto-promouvoir représentants d’une Europe en mouvement. Le ministre de la Justice et père de la proposition, Alberto Ruiz-Gallardon, se dit « certain de voir son projet s’étendre au reste de l’Europe ». D’ailleurs il n’a peut-être pas tord. En effet, même si une majorité de pays de l’Union européenne connait une législation favorable à l’avortement (à l’exception de Malte et d’Andorre), l’Europe n’a non seulement jamais émis de directive à ce sujet mais en ce même mois de décembre, le Parlement européen a rejeté un texte qui réclamait, pour les femmes, un accès généralisé à la contraception et à des services d’avortement sûrs. Le Parlement a opté pour la primauté des États sur la question. Or on sait que un peu partout la pratique est de plus en plus difficile.

Ailleurs, en Tunisie, on aurait pu se réjouir de l’inscription le 6 janvier 2014 d’un article dans la Constitution instituant l’égalité « de droits et de devoirs » entre « tous les citoyens et les citoyennes ». Dans cet article 20 adopté par 159 voix sur 169 votants, on peut lire « Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune ». Bravo ! Mais pourquoi les substantifs « hommes » et « femmes » en lieu et place de « citoyens » et « citoyennes » ne sont-ils pas utilisés ? Que cela cache-t-il ? Qu’essaie-t-on de dissimuler ? De planquer sous le tapis ?

En France, le Front National a ouvertement soutenu l’initiative espagnole. L’UMP n’est pas montée au créneau. Alors cette question d’avortement espagnolo-européenne… Sanitaire ? Politique ? Religieuse ? Colonialitaire ? Et cette omission sémantique tunisienne… Pacifique ? Révolutionnaire ? Consensuelle ? La domination continue son ouvrage. Pas à pas. Par corps et identité des femmes interposé. Tout est bon à prendre. Toute confusion dans les esprits bien entretenue. Tout mécanisme d’obéissance dans la hiérarchie des relations sociales bien huilé. Les femmes doivent rester des subalternes et se l’entendre dire. Je crois que c’est le pire.

La résistance est attendue bien sûr mais les dominants en font fi, ils sont « certains », sûrs de leur coup. La mayonnaise a déjà pris, ils continuent à la faire monter. Une stratégie pour occuper les ordres du jour non seulement des réformistes mais aussi des rebelles, chez les féministes et autres gardiens des « droits humains ». Pendant ce temps… la radicalité se replie, perd son âme, son essence. Elle se fait oublier par le plus grand nombre. Elle se vide de son sens. Peu à peu. L’œuvre s’achève. La propagande politique vient lentement mais sûrement remplacer l’économique. Les sujets – acteur-trices de leurs quotidiens – sont à la fois en situation de résistance et de réaction. De puissance et d’impuissance. De contrôle et d’in-contrôle. Le concept de contrôle est transmis. La domination ne peut pas être déconstruite. Les dominé-es vont dominer à leur tour sans pour autant exercer leur pouvoir.

Et c’est moi qui suis achevée.

Joelle Palmieri – 18 janvier 2014

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