HSBC, Shaimaa el-Sabbagh, quel lien ?

IMG_0265En Égypte, quatre ans après la révolution, il est interdit de manifester. Shaimaa el-Sabbagh en a essuyé les frais au Caire le 24 janvier dernier. Elle en est morte. Violemment. Par arme à feu. Les forces de police lui ont tiré dessus. Shaimaa était militante pacifiste et avait choisi de descendre dans la rue la veille du 25 janvier, date anniversaire de la révolution, pour ne pas être assimilée aux Frères musulmans. Les intégristes avaient appelé à descendre dans la rue le Jour J. Son cas est dramatique mais non isolé. Les violences contre les femmes n’ont cessé d’augmenter, se sont banalisées, en silence. Le président Abdel Fattah al-Sissi s’intéresse à la lutte contre le terrorisme et arme ses forces de répression. Des hommes. À la maison, la guerre est ouverte. Dans les bus et sur les places où le peuple se rassemble aussi. Des femmes trinquent. Des hommes affirment leur virilité. Dans le Sinaï, l’armée officielle chasse d’autres soldats, ceux de l’Etat islamique, aux chants de « l’Egypte veut une main de fer ». Dans ce pays, on entend montrer une force, masculine, au pouvoir, que rien ne peut défier, y compris les manifestations nombreuses de femmes contre le sexisme ordinaire. Le masculinisme d’État point.

Ces hommes sont armés jusqu’aux dents… par l’État français. A peine trois semaines après l’assassinat de Shaimaa, le 12 février, les deux États, égyptiens et français, ont en effet conclu un accord commercial : l’armée égyptienne achète 24 avions Rafale, une frégate multi-mission FREEM et des missiles courte et moyenne portée MBDA. Le tout pour 5 milliards d’euros. Ce chiffre libère de multiples révélations, d’autant que ces tractations ne sont pas nouvelles. Certes, par rapport aux 135 milliards d’euros de la fraude HSBC, il fait pâle mine. Mais si on creuse un peu, on se rend compte que l’argent de l’armement garde l’odeur du cynisme et néglige celle de l’humain. En mars 2002, quelques mois après le 11 septembre, les enquêteurs américains trouvent au sein de la Fondation internationale de bienfaisance, à Sarajevo, une liste de bienfaiteurs de Al Qaïda. Liste appelée par Ben Laden lui-même, la « Chaîne d’or ». Aujourd’hui, l’affaire HSBC révèle que ces financeurs de l’islamisme apparaissent sur la liste d’exilés fiscaux de l’informaticien Hervé Falciani. Qui sont ces bienfaiteurs ? Des grands décideurs des États du Golfe, mais aussi des cheikhs, des princes… Quel est donc le système, plutôt que les personnes, qui soutient des djihadistes ? Où s’arrête l’angélisme du système bancaire suisse, et plus globalement occidental ? D’un côté on arme la lutte contre l’intégrisme musulman, de l’autre on aide à son financement.

Ensuite, trois jours avant la mort de Shaimaa, le 9 février, la Direction générale de l’armement française (DGA), annonçait que le montant des ventes d’armes à l’étranger avait atteint 8,065 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de 17,3 % par rapport à 2013. Cette performance hisse ainsi la France au troisième rang mondial d’exportateur d’armes, ex æquo avec le Royaume Uni, derrière les Etats-Unis et la Russie, avec respectivement un budget de défense de 612 et 76 milliards de dollars (la lutte contre le terrorisme international justifie les dépenses). Pour les trois-quarts, les commandes proviennent des pays du Proche et Moyen Orient. D’ailleurs le Qatar est en train de négocier l’achat de 24 avions de chasse Dassault. Une fois encore, d’une lèvre on crie à la lutte contre la barbarie, de l’autre on embrasse les marchands de guerre. Le rictus est raide.

Et la boucle est bouclée. Décidément, l’armement enrichit les pays occidentaux, France en tête et fière de l’être, et nourrit le marché de la guerre qui alimente l’autodestruction humaine et le masculinisme d’État.

Joelle Palmieri
13 février 2015

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