Ma tête est en chahut. Bousculée par les injonctions à marcher, à scander un slogan, à brandir une pancarte, à agrafer un pin ´s, à chanter un hymne national, à écouter les infos en continu, à veiller au grain attentatoire, aux discours unitaires. 10 jours. 10 jours que les caricaturistes de Charlie hebdo, deux policiers dont une femme, un agent de sécurité, des hommes de confession juive – on a vite passé à la trappe l’économiste antilibéral, l’homme de ménage, la psychanalyste, le correcteur – ont été froidement abattus. Par des tueurs. Des jeunes, hommes, racisés – non blancs -, d’origine pauvre, hétérosexuels, orphelins. Des mecs qui ont adopté une religion histoire de prendre furieusement, et pour le moins, la parole. Des mecs contrôlés par un système-monde occidentalisé, capitaliste, mondialisé, hérité du colonialisme. Des mecs virilistes, masculinistes, racistes, sexistes, voire fascistes, à l’image de ce système qui les contrôle. Pour faire entendre leur voix de contrôlés, ils ont souhaité l’espace de quelques heures devenir contrôleurs… Là est leur erreur. A leur manière, comme les dessinateurs de Charlie et leurs suiveurs: « je suis Charlie ». Car, de « bêtes et méchants », puis antiracistes/antifascistes/antimilitaristes, les martyrs français d’aujourd’hui ont surfé sur la vague islamophobe occidentale, quoiqu’on en dise, tout en restant sexistes assumés, voire antiféministes, malgré les jeux de mots de bon aloi. Et leurs lecteurs, dont j’étais il n’y a pas si longtemps, leur ont bien fait savoir, en vain. L’implosion de la rédaction n’aura pas suffi. Il aura fallu cette conf´ de rédac du 7 janvier 2015 et douze morts, puis cinq autres. Et maintenant cet élan national lisse, émotionnel, sentimental, romantique, sécuritaire, en croisade contre la « barbarie« . Politique pour les dominants, Hollande, Netanyahou et Poutine en tête, dépolitisé pour la grande majorité des autres.
Difficile de dire et
écrire alors je ne suis pas et ne serai pas Charlie, je ne suis pas et ne suivrai pas Charlie. Je rejette les normes qu’on impose à ma pensée, à sa liberté, cette liberté dont je refuse la seule propriété du corps médiatique. Je nie l’évidence que Charlie comme l’État français et tous les autres me ressemblent. Je réaffirme : je suis athée, antifasciste, antiraciste, antimilitariste, anticolonialiste, antisexiste. Je suis différente, unique dans une multiplicité sociale mondialisée, je pense et je prends la parole, sans cloché interposé. Je hais la violence physique, épistémique (hiérarchisée de pensée et de savoirs). J’ai le goût des autres et de leurs savoirs singuliers.
Joelle Palmieri, 17 janvier 2015
A reblogué ceci sur raimanetet a ajouté:
pendant ce temps …