Petit florilège d’expressions fictives autour du 8 mars…
« J’ai 21 ans et j’anime un espace culturel pour ados en banlieue de Cahors. Je les récupère à la sortie du collège. On fait des jeux, surtout sur ordi. Je suis un peu débordé mais j’aime ca. Les filles restent souvent ensemble et s’intéressent peu à la création de blogs par exemple. Elles préfèrent Facebook. Je crois que c’est parce que c’est plus personnel. Je ne me sens pas concerné par la « journée de la femme ». Pour moi, il n’y a plus de différence. Et puis c’est tous les jours. Quand il y a des problèmes on les règle. C’est tout. On parle, avec les filles, avec les garçons, on fait ça au fur et à mesure. »
« J’ai 12 ans et l’année dernière, je suis venue cinq fois au planning de Brignoles pour prendre la pilule du lendemain. Toujours seule. Ça fait un bail que je ne parle plus à mes parents. Surtout de cul ! Là-bas, je me fais conseiller, on me prend à part. Je ne comprends pas spécialement pourquoi. Moi je veux juste qu’on me sorte de là. Depuis le planning a fermé, alors je ne vois plus ces dames que j’aimais bien et avec qui je discutais. Je ne me sens pas concernée par la « journée de la femme ». Qu’est-ce ça peut m’apporter ? Je ne sais même pas ce que c’est. »
« J’ai 42 ans et élève seule mes trois enfants depuis dix ans. J’ai déménagé trois fois, en région lyonnaise. Jamais trop loin du père. JAP oblige. Je m’en sors pas mal. Bon parfois je suis crevée mais je gère. Entre le boulot, les rendez-vous dans les établissements scolaires, chez les médecins et les virées au centre commercial, il m’arrive parfois de faire 200 km par jour. Et puis financièrement je fais attention. Faut bien que je me débrouille. Je ne me sens pas concernée par la « journée de la femme ». Ma fête, c’est tous les jours ! »
« J’ai 81 ans et suis catholique pratiquante. La foi me permet de surmonter les accidents de la vie. Autant que je peux je contribue à la vie de l’église, à deux pas de chez moi, dans le Nord. Mon mari est mort il y a six ans. Les derniers temps, j’ai bien souffert. Je passais mon temps à m’occuper de lui. Je ramassais ses déjections. Lui donnais à manger. Personne ne m’a aidée. Depuis, je m’occupe comme je peux. Je m’ennuie souvent. Je vois mes petits enfants. Je ne me sens pas concernée par la « journée de la femme ». C’est un truc de gauche. Avec des idées de gauche où les femmes devraient être supérieures. Je vois pas pourquoi. Chacun son rôle. »
« J’ai 36 ans et suis musicien. Avec mon groupe, on a deux chanteuses, on tourne, surtout en Bretagne. En fait, on galère pas mal. Mais ce qui compte c’est le public. Je n’aime pas les choses compliquées et ne supporte pas les conflits. Ça m’empêche de me concentrer sur la musique. Je ne me sens pas concerné par la « journée de la femme ». Entre musicos, y’a pas de différence. Et puis maintenant y’a plein de nanas qui montent. Alors… »
« J’ai 48 ans et j’attaque ma deuxième chirurgie réparatrice du sein. La première, ils ont dû changer la prothèse. Je me suis retrouvée torse nu devant une brochette d’étudiants à la Timone à Marseille, le buste mutilé, pendant deux heures. Humiliée, j’en ai pleuré. Je ne me sens pas concernée par la « journée de la femme ». Ça ne m’enlèvera pas la blessure. »
« J’ai 28 ans et travaille chez Cap Gemini à Paris. Bien que mon statut d’étranger soit toujours difficile à supporter, j’aime mon métier d’ingénieur. Tout au long de mes études, on était entre garçons. Et maintenant c’est à peu près pareil. Je ne m’explique pas trop pourquoi. Le fait est que pour trouver une copine c’est un peu dur. Je ne me sens pas concerné par la « journée de la femme ». Je suis un homme. »
« J’ai tout juste 50 ans et personne ne me tiendra jamais en laisse. Encore moins un mec ! Au bureau, dans mon village en Gironde, à l’asso, je ne supporte pas les blagues salaces qui voudraient que tout le monde rigole alors que tout se passe en dessous de la ceinture… des hommes. Ça me rend dingue. Je me sens concernée par la « Journée internationale des femmes ». Y’a du boulot, beaucoup de boulot, pour arrêter de se faire emmerder, pour gagner le même salaire, pour ne pas se prendre systématiquement une main au cul dans la rue, pour que les copines touchent leur pension alimentaire, pour que ma voisine arrête de se faire taper dessus par son mari, pour que les profs balancent moins de stéréotypes aux mômes, pour que les femmes osent l’ouvrir, pour se sentir libre. Une journée ça suffit pas. Mais ça permet de marquer le coup, sinon tout ça passerait complètement à l’as. Et ça, je le supporte pas. Trop injuste. »
Joelle Palmieri
17 mars 2016
A reblogué ceci sur Entre dos palabras.