Je suis d’accord avec le roi de Belgique : le 22 mars « ne sera plus jamais une journée comme les autres ». Il y a un peu moins de cinquante ans, le 22 mars 1968, à Nanterre, plus de 300 étudiants organisent une Assemblée générale dans les locaux de l’université, décident d’occuper les lieux et de former un mouvement du nom du jour. Leur volonté : demander la libération de camarades mis en garde à vue. Leur crime ? La lutte contre la guerre au Viêtnam. Ce mouvement du 22 mars connaitra ses prémices une année plus tôt lorsque 60 étudiants décident d’abattre les cloisons entre les cités universitaires des filles et des garçons. L’heure est résolument à la conjugaison du quotidien et du politique (sexualité/guerre), à l’anti-autorité, à la liberté, à la révolution d’une « France [qui] s’ennuie », au bouleversement de la monarchie étatique, alors gaullienne. Le début de Mai 68.
Le 22 mars 2016, trois jeunes hommes ont volontairement mis fin à la vie de 34 personnes à Bruxelles, au nom de Daesh, un groupe islamiste autoritaire. Loin de toute idéologie libertaire, ce groupe mène une croisade au nom d’un Dieu tout puissant, guidant les bras armés de ses soldats. Point de mouvement collectif. Point de révolution pour le changement social. Une ligne de conduite : la terreur, basée sur la violence, qui ôte tout « potentiel », tout pouvoir, à son interlocuteur. Les bases du fascisme. En face, des gouvernements à la tête d’États, en urgence, qui multiplient les situations d’immobilité. On a recours à la force, militaire et policière, au contrôle, pour réprimer, pour asseoir son autorité, pour obtenir obéissance. Preuve en est que la démocratie, la persuasion, le débat, ont échoué.
Autorité contre terreur : phase cathartique de l’ordre ? de la domination? Notre quotidien présent, assurément.
Joelle Palmieri
23 mars 2016
oui vrai rapprochement ! Et nous sommes exactement dans le temps de jeunes élevés quand les 68ards (qui commencent à lâcher) étaient au pouvoir
Nous approchons du cinquantenaire de 68. J’ai participé à Lille et au mouvement étudiant, qui a débuté avec une mobilisation sur le campus universitaire d’Annapes et par l’occupation des résidences des filles, et s’est poursuivi par plusieurs grandes manifs et l’occupation de la fac des lettres.
Cette occupation sera le pivot, la plaque tournante du mouvement de soutien au mouvement gréviste de masse dès le lendemain de la manif du 13 mai. Nous seront très nombreux à partir à la porte des usines et des puits de mine. J’ai passé la deuxième moitié de mai et une partie de juin dans le coron du puits Barrois à Pecquencourt, prêt de Douai.
Beaucoup d’étudiants sont allés « aux masses » soutenir les luttes concrètement. Et il était clair que les ouvriers qui partout ou je suis allé nous ont très bien accueilli attendaient la venue des étudiants.
Selon moi – je n’ai jamais pensé que nous nous dirigions vers la révolution – ce début de liaison ouvriers-étudiants aurait pu être le prémisse d’un rassemblement militant populaire. Et je pense que la direction du PCF c’est objectivement alliée avec le pouvoir gaulliste pour empêcher cette union ouvriers-étudiants.
Il ne faut pas laisser les July, BHL et autres tristes personnages cacher cette réalité et continuer à se poser comme les héritiers de notre Mai 68. Il faut prendre l’initiative de préparer à notre façon et en liaison avec ce qui se passe aujourd’hui le cinquantenaire de 68.
Le 22 mars représente selon moi, et aujourd’hui, moins ses porte-paroles et ce qu’ils sont devenus – j’adhère largement à vos commentaires – qu’à l’élan que ce jour représente. Un élan qui a créé dynamique, mouvement, ouvertement pour la liberté, contre toutes les normes en vigueur à l’époque où cela s’est produit. Qu’il y ait eu ensuite des individus et/ou des partis qui se soient, comme souvent, appropriés l’affaire à leurs propres fins et pour des ambitions personnelles ou très politiciennes, et aient totalement détourné le sujet de cet élan, la bousculade des normes, des cadres dominants, fait partie de l’histoire contemporaine, toute contemporaine. Et nous amène en effet à ce 22 mars 2016 très loin des transgressions des relations sociales produites par la mondialisation et antérieurement par le patriarcat, le capitalisme, l’occidentalisation, etc. Aussi, j’insiste sur la distinction entre les individus et ce qu’ils deviennent dans les cadres des sociétés auxquelles ils appartiennent et les alternatives et savoirs qu’ils sont susceptibles de produire à un instant « t ». Cette distinction permet d’isoler les brèches de là où s’opère la subalternisation, la mise en abîme, la mise au cachot. Elle permet également de situer ses acteurs. Les BHL et autres, dominants, arracheurs de prises de parole, d’un côté, les kamikazes, contrôleurs intermittents de cette subalternisation, et leurs victimes, dominées, de l’autre.