Un pavé dans le marais des années de « libération sexuelle » et au-delà un javelot dans l’univers invisible de ces mères complices de leurs maris, amants, amis, bien volontiers violeurs, pédophiles, incestueux. Voilà ce que nous envoie en pleine face Virginie Jortay à travers « Ces enfants-là », paru en août 2021 aux Éditions Les impressions nouvelles. Ses mots aiguisés délicatement posés sur des situations aiguës, inimaginables, violentes, nourrissent une grande puissance d’écriture née dans les tripes d’une enfant puis d’une adolescente maltraitée. Ses yeux et son corps nous projettent dans l’univers de la jetset belge des années 1960 où la liberté se blasphème à coups de révolution, d’égalité entre les sexes et d’émancipation des femmes. La réalité, cruelle, rend compte d’un système codifié où rapports de classe et rapports entre femmes et hommes, inchangés ou presque, renforce un patriarcat et des dominations momifiés. « L’impensable est tellement impensable qu’il est impensé », dira l’autrice. Sa mère, oubliée du système, contrôlée par la société où elle patauge, happée par un élan de mutation de rigueur, projette ses désirs sexuels sur sa fille pour mieux endosser le rôle de contrôleuse d’une société qui se veut en mouvement. Invisible, invisibilisée, auto-dissoute par l’environnement familial et social de son temps, elle jette sa fille en pâture et devient complice de l’impossible. Par son récit fulgurant, la gamine devenue adulte nous embarque dans un tourbillon de la vie inconnu. La claque de sa lecture est d’autant plus fracassante que le féminisme s’invite comme une évidence. Gageons que ce premier roman coup de poing ouvre la porte à des représentations moins monocordes de ces années-là.
Virginie Jortay, Ces enfants-là, Bruxelles : Les impressions nouvelles, août 2021, 256 p. – https://www.facebook.com/VJortay
Joelle Palmieri
7 septembre 2021
3 réflexions au sujet de « Lisons ces gamines-là ! »