Tours : penser la maladie

Présentation du livre "La douleur impensée" de Joelle Palmieri à Tours
Le vendredi 22 mars
2024, à la librairie Boîte à Livres de Tours et à l’invitation de Julien Maudet, je débattais de la fibromyalgie avec un petit public plutôt content de témoigner. Onze femmes atteintes de la maladie ont ainsi échangé sur les obstacles rencontrés dans le milieu médical mais aussi sur leur nouvelle perception du corps ou sur les savoirs accumulés. 

Pour celleux qui n’ont pas pu partager ce moment, retrouvez cet échange au format audio et les éléments de mon intervention au format texte à lire ci-dessous.

Merci à Florence Cherrier pour l’enregistrement.

Merci encore à Julien Maudet pour l’organisation de cet événement.

Voir aussi la série podcast du même nom: https://joellepalmieri.org/2025/03/04/la-douleur-impensee-un-podcast-feministe-sur-la-sante/


Penser la douleur

Présentation du livre « La douleur impensée » à la Boîte à livres à Tours le 22 mars 2024

J’ai 65 ans. Je suis militante féministe, journaliste et politologue. Je suis malade depuis trente-huit ans. Je souffre de différents symptômes : douleurs généralisées sur le corps, fatigue, multiples autres manifestations physiologiques, cognitives et émotionnelles. J’ai connu vingt-deux ans d’errance médicale avant d’obtenir un diagnostic de fibromyalgie en 2002. J’ai vécu un parcours de la combattante : plus de trente professionnels de santé (médecine générale et médecines complémentaires), dix hôpitaux, mille consultations, cent-vingt examens, cinquante traitements, six mille séances de soin, physio, psycho, énergétiques, etc.

L’algologie une sous-médecine

Ce vécu m’a fait prendre conscience du contexte dans lequel cette maladie s’inscrit. L’algologie (soin de la douleur) est considérée par le corps médical comme une « sous-médecine », le « parent pauvre » de la médecine et la fibromyalgie comme une pathologie secondaire, si bien que les patientes subissent de la maltraitance. Il existe de fortes inégalités territoriales, ce qu’on appelle la toxicité financière : les soins prescrits (activités physiques adaptées – APA) sont non pris en charges par la CPAM qui ne redonnait pas la maladie si bien que les malades se privent de soins adaptés.

La déshumanisation des femmes fibromyalgiques

Il existe également une contradiction entre ce qui est perçu par les autres et ce qui est ressenti par la patiente, ce qui génère un sentiment de deshumanisation. Par exemple, le temps nécessaire pour gérer cette nouvelle vie est interrogé (blagues sur la sieste) ; l’argent investi dans les soins non pris en charge par la CPAM est difficilement compris ; les comportements (besoin de jurer, les sautes d’humeur) pas davantage.

Des savoirs de patientes invisibilisés

Les savoirs acquis par les patientes sont invisibilisés par le système de santé d’autant que la fibromyalgie atteint une majorité de femmes (sur 2,6 millions personnes diagnostiquées en France, plus de 2,34 millions sont des femmes). On peut alors parler de construction délibérée d’ignorance, ce qu’on nomme l’agnotologie de genre. Elle est liée à des « préjugés » et « superstitions » perpétués par les médecins : les femmes sont animées par leurs « humeurs » changeantes ou par des formes d’« hystérie », se plaignent sans raison, s’inventent des maladies et imaginent les douleurs… Les fibromyalgiques entendent souvent : « vous savez, tout le monde a mal », « tout ça est dans votre tête », « vous êtes en bonne santé ».

L’essentialisme fort de la médecine

Par ailleurs, l’essentialisme de la médecine fait que la douleur des femmes est considérée comme liés à leurs chromosomes, règles, accouchements… Si bien que leurs symptômes sont minimisés. Les malades sont uniquement assimilées à des victimes, un rôle socialement assigné qu’elles acceptent elles-mêmes. Les malades sont davantage consommatrices de soins plutôt qu’entrepreneures de leur santé.

Fibromyalgie: des alternatives à la prise en charge

Il existe toutefois des alternatives à la prise en charge de la maladie qui consistent à valoriser les savoirs des patientes : explicitation de l’expérience (le comment du vécu plutôt que le pourquoi), lier penser et agir, c’est-à-dire lier compréhension propre de la maladie et action pour la dépasser, organiser des collectifs de mémoire.

Par ce livre et le podcast en cours de réalisation, j’entends ainsi rendre compte d’expériences de la maladie qui produisent de la connaissance : expertise sur les politiques de santé bien sûr mais aussi de transport, d’urbanisme, d’éducation, d’économie, de sport, de la culture, de genre… sur le validisme. Il s’agit de politiser la prise en charge médicale vs l’individualiser (estime de soi, deuil).

Joelle Palmieri – 22 mars 2024 – Remerciements à Julien Maudet, Le Sollectif.

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