Bravo !

Bravo à Virginie Despentes. Bravo à Paul Preciado. Bravo à l’équipe du film « Portrait de la jeune fille en feu ». Bravo à Aïssa Maïga et à Florence Foresti. Cette cérémonie des césars du mois de février a ouvert la voie-voix à des rebelles, suite à une série de démonstrations politiques masculinistes et antiféministes, et ça fait du bien. Ces expressions réactionnaires – masculinisme et antiféminisme – débordent du monde des arts, le seul passage aux forceps de la réforme des retraites en attestant. Les tenants des « corps » de métier – artistes donc mais aussi médecins, magistrats, patrons, boursicoteurs, militaires, politiciens… – sont aux aguets et développent à outrance ces idéologies qui « donnent aux hommes et à la masculinité une position privilégiée dans les relations interpersonnelles et dans les structures importantes de la société́ », ce qui influe sur les modes de gouvernance[1]. Ils continuent à s’approprier le corps des femmes en tant qu’objet, outil de reproduction sexuelle ou moyen d’expression d’une sexualité masculine hétérosexuelle, font des « victimes » les seules coupables et des criminels des victimes, personnalisent les révoltes (Adèle Haenel) pour mieux dépolitiser les luttes et les esprits, et s’assurent que « l’Histoire des dominations continue son chemin ».

L’intérêt de ces tout derniers événements réside dans le fait qu’il y a escalade. Début février, il y avait déjà l’affaire Griveaux, le constat des féminicides en forte hausse, qui manifestaient, pour peu qu’on compare ce contexte français à celui de l’Afrique du Sud, que la victimisation d’hommes violents était hérité d’un passé impérial, colonialiste (et ségrégationniste) qui se retournait contre les féministes. En novembre 2019, à la veille de la semaine internationale contre les violences faites aux femmes, la domination de l’élite française s’était exprimée sans tabou : le plan migration du gouvernement du 6 novembre 2019, la sortie du film « J’accuse » le 13, la fin déplorable des travaux du Grenelle des violences conjugales le 25. Bien avant, les violences policières dont l’État françaisest l’un des principaux promoteurs, se déployaient largement, s’inscrivant dans un cadre libéral, où tout est permis tant que le profit financier règne, ce que la militarisation de la société permet.

Avec cette accélération de tours de force, on pourrait croire à une bande de puissants en panique qui fait appel à ses « contrôlés », Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Lambert Wilson… pour incarner les rôles de « contrôleurs ». On peut aussi évoquer leur choix toléré de diviser les causes : antisémitisme contre féminisme, version Polanski et ses producteurs vénaux, mais aussi racisme contre sexisme : la photo de fin de la cérémonie avec tous ces hommes – pas une seule femme – racisés et heureux – on les comprend – qui évoquent la « misère » plutôt que la haine de l’« autre » certes mais avancent à tâtons la « parité » plutôt que l’égalité, fait peur tant elle est rétrograde, tant elle reflète cette France médiocre et ignorante. Dans la bataille, les femmes racisées, pauvres, lesbiennes continuent à perdre. Gageons que la sortie de salle explosive de la jeune fille en feu changera la donne et bouleversera cette hiérarchie totalement contreproductive.

Joelle Palmieri
3 mars 2020

[1]Duerst-Lahti, Georgia et Mae, Kelly Rita (1996), Gender Power, Leadership, and Governance, University of Michigan Press,p. 5.

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