Afrique du Sud : la xénophobie et le sexisme, un héritage de la colonisation et de l’apartheid

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in Salim Chena & Aïssa Kadri, Routes africaines de la migration. Dynamiques sociales et politiques de la construction de l’espace africain, Paris : Éditions du Croquant, collection Sociétés et politique en Méditerranée, 7 mai 2024.

https://editions-croquant.org/societes-et-politique-en-mediterranee/990-routes-africaines-de-la-migration-dynamiques-sociales-et-politiques-de-la-construction-de-lespace-africain.html

En Afrique du Sud, les manifestations xénophobes sont récurrentes. En mai 2008, des émeutes racistes font soixante-deux morts. En 2015, des pillages à Johannesburg et à Durban visent des commerces tenus par des « étrangers » et font sept morts. En septembre 2019, le pays connaît une nouvelle flambée d’émeutes xénophobes. Les commentaires s’orientent vers les forts taux de chômage ou les niveaux élevés de pauvreté pour en expliquer la cause. Les images que renvoient ces mouvements – foule d’hommes armés de gourdins, de pierres, de machettes ou de haches, passant à tabac ou massacrant sur leur passage des « étrangers » (le plus souvent venus d’autres pays d’Afrique), détruisant leurs commerces ou brûlant des bâtiments – réfléchissent davantage les fortes violences de genre qui caractérisent le pays et qui se sont depuis accrues avec l’épidémie de Covid-19.

Table des matières de l’ouvrage collectif

Extrait de l’introduction de l’ouvrage par Salim Chena et Aïssa Kadri

Tandis que d’innombrables travaux traitent des migrations des Africains depuis l’Afrique vers l’Europe, peu évoquent les migrations intérieures au continent. Lorsque les migrations transsahariennes sont objets de recherches ou d’enquêtes, l’hypothétique destination européenne est habituellement au centre de la problématique. L’étude des migrations internationales, plus généralement, reste encore dominée par le paradigme des migrations Sud-Nord. Dans l’édition 2020 du rapport sur L’économie africaine, par exemple, le chapitre traitant de « la migration africaine », en dépit d’une volonté affichée de discuter les discours dominants, est consacré quasi-exclusivement aux pays de l’OCDE. Y compris lorsque l’impact sur les sociétés, économies et espaces d’émigration constitue un enjeu central de la recherche, le prisme des migrations en direction de l’Europe reste prégnant. Les récits qui traversent les constructions médiatiques et politiciennes des migrations des Africains sont, depuis longtemps, concentrés sur le présupposé d’une Europe menacée d’« invasion » par les traversées de la Méditerranée. Ce mot, « invasion », prononcé par Valery Giscard d’Estaing en 1991 s’est rapidement banalisé, et a été légitimé par sa reprise et sa diffusion. Il paraît bien faible à l’heure actuelle en comparaison du vocabulaire utilisé, de l’état du débat public, de l’orientation des politiques publiques et des résultats électoraux lorsqu’il est question des « immigrés » en Europe. La construction performative de l’invasion, de la menace migratoire, s’inscrit ainsi, à travers les caractéristiques des enjeux des mobilités interétatiques actuelles qu’elle révèle, dans un processus qui ressemble à une forme de « guerre ». Elle tend en tous les cas à travers des appropriations de la question migratoire, comme arme politique et symbolique, à l’établissement de nouveaux rapports de domination à l’échelle du monde. Il est nécessaire de mettre au jour comment se fabriquent, dans leurs interrelations et affichages publics, les assignations, dans un monde où l’exclusion vise de larges pans des sociétés. Il y a sans doute à revenir sur le prisme colonial et ses catégories, sur un certain ethnocentrisme « occidental » des sciences sociales dans la prise en compte et l’analyse des nouvelles migrations. Les thèmes et problèmes qui affichent de manière désinhibée le stigmate, deviennent récurrents, reproduits à l’envi, selon des schèmes et des stéréotypes qui font fi autant de l’histoire profonde, que des contextes actuels des circulations intra-régionales africaines, méditerranéennes et internationales.

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