Andrée Michel : une résidence étudiante à son nom

© Meyer

Le 7 octobre 2023, le maire de Montreuil-sous-Bois, Patrice Bessac, inaugurait la résidence sociale étudiante Andrée-Michel. Située dans le quartier de la Boissière, au 7 rue René Vautier, ce lieu, ouvert début septembre, accueille cent cinquante étudiant·es d’une dizaine de nationalités. Une plaque rendant femmage à la sociologue a été posée. Elle reprend un texte que j’ai rédigé pour l’occasion (ci-dessous).

Un public nombreux était au rendez-vous parmi lequel Roselyne Rollier, présidente de la Maison des Femmes Thérèse Clerc. « Un moment émouvant, chaleureux, gai », dira-t-elle. Beaucoup de contacts ont été échangés, des étudiantes se sont engagées notamment pour la semaine des courts-métrages féministes Les Filmeuses qui a lieu chaque année au mois de juin. Le relai féministe d’Andrée Michel est passé aux nouvelles générations.

Hasard du calendrier : le même jour, le Hamas lançait une attaque en Israël, le début d’une nième guerre qu’elle aurait dénoncée sur le champ et sans équivoque. Elle aurait rappelé les impacts sociaux de la militarisation du monde sur l’augmentation et la banalisation des violences, en particulier contre les femmes.

Pour s’en convaincre, on peut relire un article publié sur le magazine des Pénélopes en janvier 2001 « Les femmes et la paix à la veille de l’an 2000 » :

« Avec la fin de la guerre froide, de nouvelles formes de militarisation et de guerres ont vu le jour : les milices privées, les paramilitaires, les escadrons de la mort ont remplacé les armées gouvernementales dans leur œuvre de mort et la conduite des guerres ; les guerres civiles ont succédé aux guerres internationales, devenues exceptionnelles : cette recrudescence des opérations mercenaires va de pair avec une “privatisation” de la guerre qui arrange bien certains pays comme la France et les États-Unis : cela permet de réduire l’interventionnisme officiel pour le développer en sous-main. Ces pays peuvent ainsi s’absoudre des crimes de leurs sous-traitants et afficher leur haute moralité. »

Un peu plus tôt, en 1999, dans un ouvrage illustré par Floh, « Citoyennes militairement incorrectes », elle écrivait : 

« Un rapport de pouvoir inégalitaire a été créé entre, d’un côté, des formations sociopolitiques puissantes, axées sur le développement de la production et des ventes d’armes, les complexes militaro-industriels (CMI), et, de l’autre côté, des citoyennes et citoyens réduits à l’absentéisme, à l’invisibilité́ et au mutisme dans le domaine de la défense ».

Et enfin, en 2012, dans « Féminisme et antimilitarisme »:

« En 1980, lorsque j’ai entamé des recherches sur la militarisation, je m’intitulais “pacifiste” car je n’avais pas encore pris la mesure de l’hypocrisie des pouvoirs de guerre, qui pour légitimer leurs projets affirment qu’il faut préparer la guerre pour assurer la paix (Si vis pacem, para bellum). Aujourd’hui, je préfère me déclarer “antimilitariste”, afin de signifier mon opposition à toutes les opérations menées, ouvertement ou dans l’ombre et à tous les échelons de la société (État, organismes internationaux, banques, Églises, secteur industriel, médias, etc.) pour promouvoir la production et la vente d’armements et imposer la solution belliciste. »

Joelle Palmieri
14 octobre 2023


Andrée Michel, née en 1920, décédée en février 2022, traverse l’histoire des femmes au XXe siècle. Tout au long de sa vie, elle mène conjointement recherche universitaire et combat militant. Avant la fin de la IIe Guerre mondiale, elle s’engage comme volontaire sociale. Puis, elle s’installe sciemment à Montreuil-sous-Bois, est porteuse de valises pour le FLN, participe aux actions du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), et, après s’être indignée contre les essais nucléaires français dans le Pacifique, théorise le complexe militaro-industriel. À 54 ans, elle est directrice du premier groupe de recherche sur les femmes au CNRS (« Groupe de recherche sur les rôles des sexes, la famille et le développement humain »), a publié une dizaine d’essais dont un Que sais-je sur le féminisme traduit en douze langues et une centaine d’articles. Elle est la première sociologue à s’intéresser aux conditions de logement et de travail que vivent les travailleurs immigrés et à définir la sociologie de la famille, dénonçant l’oppression des immigrés, conséquence de la colonisation, et celle des femmes au sein de la famille, conséquence du patriarcat. Internationaliste, elle témoigne partout où elle le peut de ses engagements contre les guerres en Algérie, en Colombie, en Bosnie, en Irak, auprès de multiples publics au Brésil, aux États-Unis, au Canada, en Éthiopie, en Tunisie, etc. Son ubiquité est tant géographique que morale, ce qui la rend très convaincante et étonnante. À la fin de sa vie, à l’âge de 93 ans, elle initie la création d’un Tribunal pénal international sur les viols de guerre commis en République démocratique du Congo. 

Joelle Palmieri, 27 septembre 2023

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