PACA : des femmes pauvres invisibles

img_2580Endogène ? Endémique ? La pauvreté en région PACA manque d’épithètes pour se qualifier. On peut effectivement considérer qu’elle est le produit de la structure elle-même (la Région) en dehors de tout apport extérieur (l’État français). On peut également constater qu’elle est le résultat d’un phénomène économique ou social néfaste, qui sévit en permanence (deux définitions empruntées au Larousse).

Pourquoi ? Pourquoi cette région ? Pourquoi une aggravation plutôt qu’une baisse ou une éradication ? Quelle relation avec la couleur des élus locaux, globalement bleue, tendance bleue marine ? Quelles réalités ? Quelques données institutionnelles nous aident à répondre à ces questions. La dernière étude Insee, publiée en décembre 2016 concernant la France métropolitaine en 2013, affiche un taux de pauvreté en PACA égal à 17,3%, soit trois points supérieur au taux national. Ce taux ne fait qu’augmenter : il s’élevait à 15,7% en 2009, 17% en 2012. La région occupe désormais la 3e position sur treize derrière la Corse (20,2%) et les Hauts-de-France (18,2%). Plus d’une personne de la région sur six vit avec moins de 779 € par mois (plus de 850 000 personnes). Les départements du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône arrivent en tête avec respectivement, 20,2% et 18,4% de pauvres, soit une personne sur cinq. Cinq arrondissements de Marseille figurent parmi les quinze communes les plus pauvres de France métropolitaine et sept pour la région.

Dans le Vaucluse, 37% des familles monoparentales (83% de femmes) sont pauvres. Les Bouches-du-Rhône suivent (35,2%), puis les Alpes-de-Haute-Provence (33,8%), le Var (32,1%), alors qu’à l’échelle nationale ce pourcentage atteint 30,8%. On peut ainsi dire qu’environ une femme sur trois vivant dans la région et élevant seule ses enfants vit en dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, les personnes âgées de moins de 30 ans sont les plus touchées : Vaucluse (28%), Bouches-du-Rhône (27,1%), Alpes-de-Haute-Provence (26,3%), Var (23,8%), soit plus d’un jeune sur quatre, contre un sur cinq dans toute la France.

D’après une étude de la CAF de 2007, ce ne sont pas tant les nombreux chômeurs de la région[1] qui sont touchés par la pauvreté que les travailleurs pauvres (temps partiels, salaires faibles, intermittence du travail), à 65% des femmes, et allocataires des aides sociales (à hauteur de 43% de leurs revenus) pour boucler leurs fins de mois.

Enfin, la disparité des revenus[2] bat des records nationaux dans les Bouches-du-Rhône (3,88) et les Alpes-de-Haute-Provence (3,82), ces départements prenant ainsi les places de 7e et 8e leaders nationaux de l’inégalité sociale, juste derrière ceux de l’Ile-de-France. Le Vaucluse et le Var ne se placent guère loin en 15e (3,57) et 17e (3,53) position.

Alors, que disent tous ces chiffres ? Les élus à la tête de la Région se succèdent et prennent cette situation d’inégalité sociale de genre clé-en-main sans pour autant faire obstacle à l’endémie. Les budgets votés mettent l’accent sur le développement économique, le tourisme, l’attractivité du territoire, la culture, et aujourd’hui, sous Estrosi, sur le déploiement du numérique et les économies drastiques de fonctionnement. La troisième région économique nationale, productrice de 7% de la richesse française, 20e région ayant le PIB le plus élevé en Europe, reste la 3e région la plus inégalitaire de la métropole. Aucune politique sociale ne vient contrarier ce gouffre. Bien au contraire. La répartition égale des richesses n’est toujours pas à l’ordre du jour, d’autant qu’il s’agirait de réduire les revenus des vieux mâles blancs riches de la côte pour les transférer aux jeunes femmes racisées pauvres, mères de familles, seules gestionnaires du foyer, des banlieues ou des quartiers.

L’heure est davantage aux calculs monétaires, aux discours économicistes sur l’endettement, et surtout, ou par voie de conséquence, aux croisades sexistes et racistes, sans oublier homophobes, implicitement familialistes. Car la soupe est servie : les fonctionnaires de la Région coûtent trop cher et creusent la dette, tout comme les services publics, transports, habitats sociaux, lycées, formation professionnelle, cantine, activités périscolaires, planning familial, centres sociaux et culturels, etc. autant de prestations auxquelles les pauvres/femmes sont massivement et le plus abonnées. Aussi, le FN, dont cette soupe fait le lit, « perce » aux législatives, aux municipales, aux départementales, aux régionales… Et ce ne sont pas forcément les pauvres qui votent FN, plusieurs études le démontrent tout comme les discussions qu’on peut avoir ça et là dans le coin. Peut-être sont-ce plutôt ceux qui souhaitent préserver ces inégalités flagrantes ou au mieux les ignorent ? Cherchez l’erreur, il est peut-être encore temps…

Joelle Palmieri
4 janvier 2017

[1] Le nombre de chômeurs en PACA est structurellement plus élevé qu’au niveau national pour des rasions de fortes migrations démographiques propres à la géographie du territoire.

[2] Elle se mesure par le rapport inter-décile : rapport de revenus entre les 10 % d’habitants les plus pauvres et les 10 % les plus riches.

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