Ignorance quand tu nous tiens

IMG_3363Cette semaine, je me suis retrouvée à regarder à la télé un film très récent intitulé « John Wick ». C’est l’histoire d’un homme sans histoire, mais seul car dans le deuil récent de sa femme tant aimée, qui se met à tuer à coups d’armes de poing tout ce qui bouge autour du voleur de sa Mustang et assassin de son chien. Les balles fleurissent tout au long du film et, dans un moment furtif, on voit le fauteur de trouble insulter un de ses collègues maffieux qui n’a de cesse de tripoter les joysticks de sa tablette numérique. Il joue avec passion à dézinguer des individus. Plus il en tue, plus il gagne. Étonnamment, à aucun moment, je ne me suis ennuyée, le rythme, la chorégraphie étant très léchées. J’ai en revanche été impressionnée par la mise en scène de toutes ces morts violentes, banalisées, justifiées par la seule peine du héros, de surcroît interprété par Keanu Reeves, l’icône du gentil messie depuis « Matrix ». « Wick », le nom du personnage, induit l’idée de mèche/méchanceté, voire de haine, et cela se lit inlassablement sur son visage. Alors les liens de causes à effets se sont immédiatement opérés dans ma tête. Dérapages télévisuels, numériques (web, réseaux sociaux, jeux), policiers, politiques/électoraux, alimentent effectivement notre quotidien depuis un bon moment. Disons plus de vingt ans. Aussi, le bruit de cette banalisation/légitimation par ces médias des armes, viols, crimes, sexisme, racisme, classisme, homophobie, fait instantanément écho à l’image du nouveau Président remontant les Champs Elysées dans un véhicule militaire (inédit), à la nomination d’une ministre des Armées en lieu et place d’un ministre de la Défense, à la prolongation de l’État d’urgence. La militarisation de notre société s’impose en douceur. Et avec elle l’autoritarisme. Ce n’est certes pas nouveau mais plus sournois. La peur induite par le plan Vigipirate, vécue dans les gares, les écoles, les stades, les salles de concert, les hôpitaux, est elle aussi banalisée. Elle est voulue comme faisant désormais partie du quotidien des citoyen.ne.s, pour le coup en position défensive, prêt.e.s à sauver… leur voiture, leur chien. Autant de libéralisme, d’individualisation de la gestion de la vie quotidienne me fait poser la question de l’ignorance. De quel côté la trouve-t-on ? Celui de ceux.celles qui regardent les émissions de divertissement de Bolloré ou jouent huit heures par jour à WorldWar ? Ou celui de ceux.celles qui ne veulent pas savoir, ne comprennent pas. Sans doute les deux. Là où j’habite, dans le Var, après le coup d’État de Napoléon en 1851, des « cercles » et des « chambrées » se sont créés dans le but de résister à l’Empire, de défendre la République. Jusqu’en 1985 environ, le département était rouge. La tradition était à la discussion, au débat, tous les soirs, des courants de pensée, de la vie politique, voire même à sa gestion. Désormais, une multitude de facteurs, et notamment la disparition de ces espaces de débat, fait que le Var est progressivement devenu bleu Marine. Et la majorité des progressistes ne comprennent pas le phénomène, s’en désolent. Cet exemple local illustre l’idée d’ignorance. On ne veut plus savoir. On ne veut plus se rencontrer. Aller vers l’autre ? On le fait déjà. Oui, mais comment ? Du haut, vers le bas ? À égalité ? Confronter ses idées, pour quoi faire ? La dépolitisation de la vie quotidienne est intégrale. Je le redis : « on ne pouvait pas dire que l’on ne savait pas ».

Joelle Palmieri
25 mai 2017

2 réflexions au sujet de « Ignorance quand tu nous tiens »

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