Pas d’armistice. Pas de drapeau. Pas de célébration. La reddition des armes n’a pas eu lieu. Les jeunes femmes se font toujours autant battre, torturer, violer, tuer un peu partout dans le monde. Le 6 mai à Cleveland, États-Unis d’Amérique, deux jours avant le « V-E Day » (Victory in Europe Day), trois femmes et un enfant ont été retrouvés dans une cave. Après dix ans de conflit. Personne n’avait jamais couvert cet événement. Les médias ne s’étaient pas emparés de l’affaire. Le Bachar al Assad local paraissait « affable et sympathique ». Pourtant il tabassait ses rebelles, les violaient plusieurs fois par jour, les torpillait, les torturait, les menaçait de mort, les engrossait, les faisait collaborer… Dix ans. Un fait divers, nous dit-on. Une affaire sordide. On va condamner le bourreau sévèrement. Il est anormal. Combien sont-ils dans le monde ? À cette minute ? Sont-ils anormaux ceux qui agressent les femmes dans les rues du Caire ? Ceux qui se font sucer par des femmes de chambre dans des hôtels quatre étoiles à New York ou à Paris ? Ceux qui violent dans les bus à New Dehli ? Ceux qui tuent leurs femmes à balle réelle à Johannesbourg ? Ceux qui battent à mort leurs femmes en France parce que la bouffe est froide ? Des faits divers. C’est ça. On va le gober. Certainement. Non. Radicalement, non. C’est la guerre. Tous les jours. La violence quotidienne. Celle de ces sociétés et de leurs porte-paroles – journalistes, politiciens, juristes, psychologues, scientifiques… – qui nous assurent que se faire mettre sur la gueule pour une femme est toujours un cas isolé. Un accident. Une erreur personnelle. Que ça se répare. Celle d’un système où la force fait loi. Pour tout. Dans la relation entre voisins – on risque de se prendre une bastos aux States si on frappe à une porte qui n’est pas la sienne –, entre collègues, entre parents et enfants, entre pères et filles, entre vieux et jeunes, entre dominants et dominés… entre hommes et femmes, entre pédés et hétéros, entre Noirs, Arabes et Blancs. Ça frappe avant d’être frappé. Ça domine par peur d’être dominé. Ça contrôle parce que c’est contrôlé. Le contrôlé endosse son costume de contrôleur sans moufeter. Ça coute rien. Ça marche. Et quand il se fait coincer, il raconte qu’il est malade. C’est le système qui est malade messieurs les analyseurs de faits divers ! Refermez votre braguette, regardez vos fils, vos filles, et demandez-vous pourquoi vous vous obstinez à ne pas lier la soi-disant décadence économique avec l’accélération des délits, et en particulier des féminicides, à ne pas faire se croiser la dépolitisation généralisée des idées avec l’accumulation des conflits, la montée des intégrismes, la popularité des traditionalismes. Ôtez vos lunettes noires. Je vous promets de les garder précieusement. J’en fais collection. Pour la mémoire.
Joelle Palmieri – 10 mai 2013